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lundi 25 mars 2019

Commentaire du Psaume 2 par saint Augustin: PSAUME 2: L’ÉGLISE ET SES PERSÉCUTEURS

Saint Agustin d'Hippone

Les méchants veulent secouer le joug de Dieu et de son Christ; mais il a établi, ce Christ chef de sou royaume ou de l’Eglise qui s’étendra partout. Comprenez cette puissance, et faites-vous de la foi un abri contre ses vengeances.

1. « A quoi bon ce frémissement des nations, et ces vaines machinations des peuples? Les rois de la terre se sont levés, les princes ont formé des ligues contre le Seigneur et contre son Christ (Ps. II, 1-2) ». Le psalmiste dit: « A quoi bon», comme il dirait: C’est en vain; car ces ligueurs n’ont pas atteint le but qu’ils se proposaient, l’extinction du Christ: c’est la prédiction des persécuteurs de Jésus dont il est fait mention dans les Actes des Apôtres (Act. IV, 26).
2. « Brisons leurs liens, et rejetons leur joug loin de nous (Ps. II, 3) ». Bien que ces paroles soient susceptibles d’un autre sens, il est mieux de les appliquer à ceux dont le Prophète a dit qu’ils machinaient en vain; en sorte que « brisons leurs chaînes, et rejetons leur joug loin de nous », signifie: appliquons-nous à éluder les devoirs et à rejeter le fardeau de la religion chrétienne.
3. « Celui qui habite dans les cieux se rira d’eux, le Seigneur les persiflera (Ib. 4.) ». La même pensée est deux fois exprimée: car au lieu de: « Celui qui habite dans les cieux », le Psalmiste a dit: « Le Seigneur »; et « se rira », est remplacé par « persiflera ». Gardons-nous toutefois d’entendre ces expressions d’une manière humaine, comme si Dieu plissait des lèvres pour rire, et des narines pour se moquer. Il faut entendre par là, le pouvoir qu’il donne à ses élus de lire dans l’avenir, d’y voir le nom du Christ se transmettant jusqu’aux derniers humains, s’emparant de tous les peuples, et de comprendre ainsi combien sont vaines les trames des méchants. Ce pouvoir qui leur découvre cet avenir, c’est la moquerie et le persiflage de Dieu. « Celui qui habite les cieux se rira d’eux ». Si, par les cieux, nous comprenons les âmes saintes, c’est en elles que le Seigneur connaissant ce qui doit arriver, se rit des vains complots et tourne en dérision.
4. « Alors il leur parlera dans sa colère, et les confondra dans sa fureur (Ps. II, 5) ». Pour nous mieux préciser l’effet de cette parole, David a dit: « Il les confondra »; en sorte que « la colère » de Dieu est identique « à sa fureur ». Mais cette colère et cette fureur du
Seigneur Dieu, ne doit pas s’entendre d’une perturbation de l’âme; c’est le cri puissant de la justice dans toute créature, soumise à Dieu pour le servir. Car il faut bien nous rappeler
et croire ce qu’a écrit Salomon: « Pour toi, ô Dieu de force, tu es calme dans tes jugements, et tu nous gouvernes avec une sorte (124) de respect (Sag. XII, 18) ». En Dieu donc, la colère est ce mouvement qui se produit dans une âme connaissant la loi de Dieu, quand elle voit cette même loi violée par le pécheur; elle est cette indignation des âmes justes qui flétrit par avance bien des crimes. Cette colère de Dieu pourrait fort bien se dire encore des ténèbres de l’esprit qui envahissent tout infracteur de la loi de Dieu.
5. « Moi, je suis établi par lui, pour régner en Sion, sur la montagne sainte, pour prêcher sa loi (Ps. II, 6) ». Ces paroles s’appliquent évidemment à Notre Seigneur Jésus-Christ. Si, pour nous, comme pour beaucoup d’autres, Sion veut dire contemplation, nous ne pouvons mieux l’entendre que de l’Eglise, dont l’âme s’élève chaque jour pour contempler en Dieu ses splendeurs, selon ce mot de l’Apôtre: « Nous verrons à découvert la gloire du Seigneur (II Cor. III, 18) »; voici donc le sens: « Moi, je suis établi par lui pour régner sur la sainte Eglise », appelée ici montagne à cause de sa hauteur et de sa solidité. « C’est moi qu’il a établi roi »: moi, dont les impies cherchaient à briser les chaînes et à secouer le joug. « Pour prêcher sa loi»: qui ne comprendrait cette expression, en voyant la pratique de chaque jour?
6. « Le Seigneur m’a dit: Tu es-mon Fils; je t’ai engendré aujourd’hui (Ps. II, 7) ». Dans ce jour, on pourrait voir la prophétie du jour où Jésus-Christ naquit en sa chair. Néanmoins comme « aujourd’hui » indique l’instant actuel, et que dans l’éternité, il n’y a ni un passé qui ait cessé d’être, ni un futur qui ne soit pas encore, mais seulement un présent; car tout ce qui est éternel est toujours cette expression: « Aujourd’hui, je t’ai engendré », s’entendra dans le sens divin, selon lequel la foi éclairée et catholique professe la génération ininterrompue de la puissance et de la sagesse de Dieu, qui est son Fils unique.
7. « Demande-moi, et je te donnerai les nations pour héritage (Ib. 8)». Ceci n’est plus éternel, et s’adresse au Verbe fait homme, qui s’est offert en sacrifice, à la place de tous les sacrifices, « qui intercède encore pour nous (Rom. VIII, 34)»; en sorte que c’est à Jésus-Christ, dans l’économie temporelle de l’Incarnation opérée pour le genre humain, qu’est- adressée cette parole: « Demande-moi »: oui, demande que tous les peuples soient unis sous le nom chrétien, afin qu’ils soient rachetés de la mort, et deviennent la possession de Dieu. « Je te donnerai les nations en héritage », afin que tu les possèdes pour leur salut, et qu’elles te produisent des fruits spirituels. « Et ta possession s’étendra jusqu’aux confins de la terre ». C’est la même pensée répétée. «Les confins de la terre » sont mis ici pour les nations, mais dans un sens plus clair, afin que nous comprenions toutes les nations: le Psalmiste a dit « possession » au lieu de « héritage ».

8. « Tu les gouverneras avec un sceptre de fer », dans l’inflexible justice. « Tu les briseras comme un vase d’argile (Ps. II, 9) », c’est-à-dire tu briseras en eux les passions terrestres, les immondes soucis du vieil homme, et tout ce qu’il a puisé, pour se l’inculquer, dans la fange du péché. « Et maintenant, ô rois, comprenez » (Ib. 10) ». « Maintenant », c’est-à-dire, quand vous aurez une vie nouvelle, ayant brisé cette enveloppe de boue, ces vases charnels de l’erreur, qui sont l’apanage de la vie passée, oui, « alors comprenez, vous qui êtes rois », puisque vous pouvez d’une part diriger tout ce qu’il y a chez vous de servil et d’animal, et d’autre part combattre, non comme frappant l’air, mais châtiant vos corps et les réduisant en servitude (I Cor., IX, 26, 27). « Instruisez-vous, vous tous qui jugez la terre ». C’est une répétition. « Instruisez-vous » est mis pour « comprenez »; et, «vous qui jugez la terre», pour « vous qui êtes rois ». Le Prophète veut dire que l’homme spirituel doit juger la terre; car ce que nous jugerons nous est inférieur; et tout ce qui est inférieur à l’homme spirituel, peut bien s’appeler terre, puisqu’il est meurtri par la chute terrestre.

9. « Servez le Seigneur avec crainte (Ps., II, 11) »; parole qui prévient l’orgueil que nous donnerait cette autre: « O rois qui jugez la terre». « Et tressaillez en lui avec tremblement ». « Tressaillez », est fort bien ici pour corriger ce qu’aurait de pénible: « Servez. le Seigneur avec crainte ». Mais afin que celte jubilation n’aille point jusqu’à la témérité, le Prophète ajoute: « avec tremblement»: ce qui nous invite à garder avec soin et vigilance le principe de la sanctification. «Et maintenant comprenez, ô rois », peut encore. s’entendre (125) ainsi: Et maintenant que je suis constitué roi, ne vous en affligez point, ô rois de la terre, comme d’un empiétement sur vos privilèges; mais plutôt instruisez-vous et comprenez qu’il vous est avantageux de vivre sous la tutelle de celui qui vous donne l’intelligence et l’instruction. L’avantage qui vous en reviendra, sera de ne point régner à l’aventure, mais de servir avec tremblement le Seigneur de tous, de vous réjouir dans l’attente d’une félicité sans mélange, vous tenant en garde et dans la circonspection contre l’orgueil qui vous en ferait déchoir.

10. « Emparez-vous de la doctrine, de peur qu’un jour le Seigneur n’entre en colère, et que vous ne perdiez la voie de la justice (Ps. II, 2)». C’est ce qu’a déjà dit le Prophète: « Instruisez- vous et comprenez »; car s’instruire et comprendre, c’est s’emparer d’une doctrine. Cependant l’expression: « apprehendite, emparez-vous», désigne assez clairement un certain abri, un rempart contre tout ce qui pourrait arriver, si l’on apportait moins de soin
à s’emparer. « De peur qu’un jour le Seigneur ne s’irrite », renferme un certain doute, non point dans la vision du prophète, qui en a la certitude, mais dans l’esprit de ceux qu’il avertit; car ceux qui n’ont point une révélation claire de la colère n’y pensent d’ordinaire qu’avec doute. Ceux-là donc doivent se dire: « Emparons-nous de la doctrine, de peur que le Seigneur ne s’irrite, et que nous ne perdions la voie de la justice». Déjà nous avons exposé plus haut comment « s’irrite le Seigneur (Sup. n. 4)». « Et que vous perdiez la voie de la justice ». C’est là un grand châtiment, que redoutent ceux qui ont déjà goûté les douceurs de la justice. Celui qui perd la voie de la justice, doit errer misérablement dans les voies de l’iniquité.

11. « Quand bientôt s’enflammera sa colère, bienheureux ceux qui auront mis en lui leur confiance (Ps. II, 13)». C’est-à-dire, quand éclatera cette vengeance qui est préparée aux pécheurs et aux impies, non seulement elle épargnera ceux qui auront mis leur confiance dans le Seigneur, mais elle servira à leur établir, à leur élever un trône bien haut. Le Prophète ne dit pas: « Quand bientôt s’enflammera sa colère, ceux qui se confient en lui seront en sûreté »; comme s’ils devaient seulement échapper à la vengeance: mais il les appelle « bienheureux », ce qui exprime la somme, le comble de tous les biens. Quant à l’expression: « In brevi, bientôt », elle signifie, je crois, quelque chose de soudain, pour les pécheurs, qui ne l’attendront que dans un lointain avenir.

Source de la traduction:

Abbé MORISOT, 

1875

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